Poignard d'Officier de Marine du Premier Empire



Poignard ou dague d'Officier de Marine du Consulat ou Premier Empire.

C'est une arme non réglementaire, les officiers de marine devant porter le sabre ou épée, selon.

Le poignard est un attribut porté souvent avec la petite tenue de bord, rarement porté à terre pas plus en grande tenue que en tenue de ville.

Poignée en bois entièrement filigrané de cuivre.

Pommeau rond décoré en relief d'un décor dit «côtes de melon».

Virole en bronze doré décorée d'une branche de laurier, symbole de la gloire depuis les Romains.

Lame bleuie à fond doré, longue de 32 cm avec croisière en bronze doré

Croisière également en bronze doré, décorée d'un ancre en son centre à l'avant et d'écailles à l'arrière, très typique des armes de Marine; elle est à double quillon en forme de tête d'aigle.

Lame triangulaire, gravée de trophées militaires et de décors floraux sur sa moitié inférieure, bleuie à fond doré ; elle est signée au talon « S🌴S. » (fourbisseur inconnu), longueur de 32 cm.

Beaucoup de ses armes ne mentionnent pas le nom ou initiales du fourbisseur voulant rester anonyme pour des armes "interdites" par l'Empereur!

Le fourreau n'est pas parvenu jusqu'a nous, il devait être en cuir avec chape et bouterolle en bronze doré avec deux anneaux de bélières pour être suspendu.

A la fin du XVIIIe siècle, les officiers de marine français vont adopter officieusement  le poignard comme signe distinctif et honorifique, à l'instar de nombreuses marines.

Le poignard n'est pas qu'une arme d'apparat ainsi le Capitaine Cook commandant le navire anglais Bellerophon à Trafalgar (batiment où il sera tué, puis le Bellerophon amènera Napoléon devant les côtes anglaises, avant de le déporter pour St Helena) écrit "beaucoup de capitaines portent le poignard qui datent de leurs années de Midshipman lors des abordages pour parer les coups et frapper".



 Capitaine de Vaisseau en grande tenue avec un poignard (1804)
(© Patrice Courcelle)

Poignée en bois entièrement filigrané de cuivre.

La marine française, grand ennemi de la British Navy, va pourtant suivre la mode du poignard d'outre-manche.

Ainsi à l'instar des "midshipmen" et jeunes lieutenants anglais qui aimaient à arborer le poignard (les officiers anglais portant une épée avec une monture typique de la marine à boules puis ensuite le modèle réglementaire de 1805) nos jeunes officiers vont se mettre à porter le poignard.


Monture à perles de la British Navy 
ou "five-ball" spadroon ( © Bonhams)

Près de la chute de l'empire, les officiers anglais porteront un poignard à lame courbe, influencé par les sabres français à la mamelouk, inspirés du retour d'Egypte! des mini sabres.


Poignards de marine anglais vers 1815/1820  (© Bonhams)


Le poignard restera à la mode malgré les interdictions de l'empire sous la restauration et monarchie de Juille, on trouvera même un poignard réglementaire pour les matelots en 1833.


On ne trouve quasiment pas  d'iconographie française d'époque ou moderne représentant les officiers de marine du Consulat et Premier Empire portant le poignard. On en découvre un peu plus en cherchant dans les documents et peintures anglaises, avec une notamment magnifique collection de poignards de marine au sein des Royal Collections de Greenwich

C'est pourquoi nous avons opté de représenter de nombreux documents et iconographies anglais malgré que notre poignard soit français.

On trouve d'ailleurs souvent une différence d'aspect entre les poignards français et anglais de l'époque.

Les armes anglaises du début  XIX siècle ont très souvent une poignée en ivoire et un double quillon inversé, avec la signature complète du fourbisseur, le poignard n'étant pas banni par les règlements de la  Royal Navy.

Arme de combat ou non, c'est un signe distinctif de son appartenance à la marine.

Confiance contre Kent
par L Garneray
Louis Garneray ( Enseigne de vaisseau sur la Confiance lors de la prise du Kent par Surcouf et peintre du tableau opposant les deux navires) écrit dans son récit du combat


 "Surcouf aperçoit entre autres anglais un jeune midshipmen qui se défend avec plus de courage que de bonheur, car son sang coule déjà par plusieurs blessures, contre un de nos corsaires.

Surcouf se précipite vers le jeune homme pour le couvrir de sa protection; mais le malheureux, ne comprenant pas la généreuse intention du Breton lui saute à la gorge et essaie inutilement de le frapper de son poignard...lorsque Bambou cloue d'un coup de lance l'infortuné "


Fourbisseur "S🌴S" qui nous est inconnu

Lieutenant de la British Navy avec son poignard et un sabre d'abordage plus conséquent  vers 1810
© Osprey Military


Portrait du Vice Amiral anglais Sir Thomas Louis 
arborant son poignard de jeunesse.
Par tradition familiale, l'arrière-grand-père de Sir Thomas Louis était un fils illégitime de Louis XIV. En 1798,  dans le Minotaure , il était l'un des «frères» de Nelson à la bataille du Nil , combattant à côté de lui.
Après d'autres services méditerranéens et autres, il a été promu contre-amiral en 1804 et y est retourné avec le navire "Canopus'' juste à temps pour rejoindre la poursuite de Nelson des Français aux Antilles en 1805, mais il a raté Trafalgar en étant envoyé avec d'autres navires pour recueillir de l'eau potable à Gibraltar. 


Croisière en bronze doré décorée d'une ancre


Nelson à la bataille du Nil avec un midshipmen portant un poignard 

Beaucoup de fourbisseur français fourbissaient ces modèles avec des lames de Klingenthal ou Solingen, ils séduisaient avant tout les jeunes aspirants, l'arme devant être moins chère à acquérir qu'un sabre.


En Vendemiaire de l'an IX, les règlements définissent l'ensemble des armes blanches pour les armées y compris pour la marine mais rien quant au poignard!, il est donc interdit de fait.

Il est mentionné qu'en Octobre 1807 (je n'ai pas retrouvé dans les archives cette lettre  pour le ministre  Decrés) l'Empereur aurait écrit au ministre de la marine pour se plaindre de l'usage de poignard de marine au lieu de celles dont le règlement a établi la forme et dimension, notamment chez les aspirants.

Aussi le ministre Decrés aurait écrit aux préfets maritimes:

"Des circonstances graves exigent la proscription absolue de cette arme.

En conséquence nul officier, aspirant ou employé de la Marine ne pourra, à l'avenir, l'employer sous aucun prétexte: l'arme uniforme ne devra pas être en dessous de 30 pouces (76 cm)".

Les circonstances graves font-elles référence à l'affaire du Lieutenant Charles Moreau et l'attaque au poignard du Capitaine anglais Larkins ( voir plus bas le détail de l'affaire Moreau), récit qui occupa beaucoup la presse de l’Inde et même celle de l’Europe. 

Au vue des nombreux poignards de marine existants, il semblerait que la mode du poignard ait perduré malgré les menaces de l'Empereur, il devait trouver ces poignards trop british!


Marine Imperiale vers 1810 (© Osprey Military)


Virole en bronze doré décorée d'une branche de laurier, symbole de la gloire depuis les Romains.



Vice-Admiral anglais George Darby portant un poignard (1720–1790) par 
G Romney. © National Maritime Museum

 La Marine française après la révolution

La marine du premier empire reste le parent pauvre, la mal-aimée, voire pour certains la gêne de la légende napoléonienne.

Peu d'iconographie datant de l'époque impériale ou moderne, de dessins ou portraits contrairement à la cavalerie et infanterie de ligne ou de la garde impériale, sans doute la résultante des terribles défaites d' Aboutir et Trafalgar.

Jeune aspirant

Peu d'armes blanches, à part les célèbres sabres des marins de la Garde impériale par Boutet, sont mises en avant.

La marine à la chute de la monarchie a de nombreux bâtiments, elle fut la passion de Louis XVI, un "marin de salon "ayant simplement fait une visite à Cherbourg durant son court règne.

Ainsi en 1792 on compte 68 vaisseaux et 76 frégates en ajoutant les vaisseaux de l'allié espagnol la marine "peut matcher" la british navy.

En 1786, l'ordonnance du futur format de la marine prévoyait 81 vaisseaux, 60 frégates, 60 corvettes, 20 bricks et 40 bâtiments de chasse soit 10 422 canons et plus de 90 000 hommes.

Au même moment, l'Angleterre dispose de 135 vaisseaux de ligne, 133 frégates ou corvettes.

Grâce aux travaux de Borda et de Jacques-Noel Sané, la fabrication des navires s'est améliorée, plus normée, le temps de construction d'une frégate est quasi réduit de moitié, bref plus effective.

L'homogénéisation des bâtiments et matériels facilite la mise en chantier et réparations dans les différents arsenaux.

Hornblower

Les infrastructures sont importantes:

Ports de guerre reposant sur trois arsenaux Toulon, Brest et Rochefort travaillant avec Lorient, Bayonne, Cherbourg, le Havre, Dunkerque, Saint-Malo, Nantes, Bordeaux, La Rochelle et Marseille.


Pourtant la belle marine de Louis XVI n'est déjà plus à la pointe

- L'armement a vieilli, les canons français sont plus lourds que les anglais à calibre équivalent, on a loupé le virage technologique de la "carronade", ce court canon développé en 1779 par les anglais et produit par la Carron Company.

Master and Commander

Il est léger, installé sur les ponts supérieurs, dunettes, gaillard avant, pas de recul, nécessitant moitié moins de poudre et balayant le navire adversaire de mitraille,  une arme pour tuer et vite. Il a une rapidité de tir et mise en action deux fois plus rapide qu'un canon.




Pommeau dit en "cote de melon"


British Navy carronade en action contre un vaisseau français.

- La poudre française est de moins bonne qualité, moins fine, dégageant une énergie moindre. La poudre anglaise est mieux élaborée, la "cylinder powder" semble avoir 10% à 25% de sur-puissance en comparaison avec la poudre française.


- Nos bâtiments sortent peu, du coup les cartes ne sont pas mises à jour, les équipages sont peu entraînés.

- La cadence de tirs des équipages canonniers est en moyenne 30% plus basse que ceux de la Navy, de plus les canonniers anglais sont plus précis atteignant à la première bordée leur objectif.

- Les services de renseignement anglais sont très développés.

- La marine dépend pour beaucoup d'approvisionnement étranger pour le bois, chanvre, goudron.

arrive la révolution de 1789 et la première république en 1792


Croisière en bronze doré, décorée d'écailles 


Capitaine de Vaisseau en grande tenue

Aux limitations développées ci-dessus s'ajoutent:

- Perte de plus de 70% des cadres de la marine avec l'exode des royalistes pendant la révolution. Les cadres de la marine royale sont tous sans exception nobles.

- Perte de nombreux marins ou officiers de marine venant des départements acquis à la royauté: Vendée, Bretagne, ne voulant pas servir dans la marine révolutionnaire.

- Depuis 1789 les bâtiments ne naviguent plus, les équipages sont sous ou non entraînés, on manque de voiles, de chanvre, de boulets, de tout.

- Dissolution en 1792 du corps royal des canonniers-matelots jugé trop élitiste. Il seront remplacés plusieurs fois par d'autres organisations moins efficaces.

Pendant ce temps la navy accroit son budget.


Ce comparatif ( source Le prix de la gloire Pierre de Pierre Branda ©) est sans appel, l'accroissement par Napoléon du budget de la marine en vue de l'invasion de l'Angleterre a créé une réaction sans merci de cette dernière, la marine étant couteuse en ressources humaines, en matériaux, la formation lente des effectifs des officiers mariniers et officiers, l'Empire ne pourra plus jamais rivaliser avec l'Angleterre, malgré l'adjonction de nouveaux bâtiments et effectifs au gré des conquêtes, avec notamment la Hollande et l'Espagne.

Alors que les Anglais pratiquent le tir « plein bois » extrêmement meurtrier pour le personnel (reformer du personnel de marine prend beaucoup plus de temps que pour former un fantassin et son officier), les Français s'obstinent à tirer pour démâter. 

Aussi la "Royale" entrera dans un cercle vicieux, suprématie de la Navy entraine des sorties quasi impossible de nos bateaux...donc moins d'entrainement...moins de bonnes cartes maritimes, moins de précision dans les tirs, une cadence de tir plus faible, codes de communication passant souvent aux mains de l'ennemi vainqueur, ...moins de remise en cause des tactiques de combat...bref l'échec de Trafalgar était plus que prévisible.



La prise de l’Ambuscade par la Bayonnaise en 1798
la corvette française la Mayonnaise capturera après un très âpre combat la frégate anglaise l' Embuscade mais à quel prix

La Navy viendra narguer l'Empire en faisant des coups de main sur nos cités portuaires créant un complexe d'infériorité inéluctable dans nos équipages et population des côtes.

Napoléon essayera même après Trafalgar d'améliorer notre marine, il consacrera 1/3 du budget militaire à cette dernière mais l'effort consenti ne pourra porter ses fruits que à long terme, aussi on ne verra jamais le gain avant la chute de l'empire.


Ainsi juste avant la première abdication, la marine française s'est refaite une santé, six à sept navires de 74 à 118 canons sont lancés depuis 1811, la flotte détient 81 navires de ligne et 18 en construction à l'aube de l'été 1814 arrive la première abdication, les alliés pendant leur occupation des ports français durant l'été 1814 vont disperser ou détruire nos bâtiments, après les deux premiers coups portés de la révolution et Trafalgar, le troisième fut fatal au redressement de la marine de guerre française.

Il faudra attendre la deuxième moitié du XIX siècle pour retrouver une marine de guerre puissante.

On retiendra que Napoléon en grand visionnaire prônait pour la marine, le développement de l'obusier ainsi que la diminution du nombre de calibres en service, voire le mono calibre, avec 30 ans d'avance sur son temps.

De plus l'Empereur va "militariser" l'ensemble de la marine jugée trop laxiste avec notamment les marins de la Garde, les équipages de “haut-bord" faisant des équipages des militaires avant tout utilisables lors des grandes campagnes terrestres.

Napoléon avait licencié un grand nombre d'incompétents mais il restera frustré avec la marine, les amiraux et ses contraintes. La marine avait besoin de temps pour renaître et être opérationnelle ce qui le l'agaça, le vent, les marées, le coup fatal que peut amener simplement l'explosion d'un seul canon à bord, la superstition des marins, la crainte du Jonas, les risques d'échouement sur un récif ou haut fond, un monde très différent des champs de bataille.

Citons le point de vue de l'adversaire par David G. Chandler dans son Dictionnaire des guerres napoléoniennes

'Although Napoleon ‘lost’ the war at sea effectively from 1805, his naval strategy against Great Britain remained surprisingly effective. … By keeping his surviving squadrons ready for sea (or capable of being rapidly made so) at Brest, Rochefort, or Toulon, he kept the Royal Navy at full stretch on blockade duties, and the task of hunting down a small French break-out force was incommensurately expensive in terms of vessels and effort.” 

"Bien que Napoléon est perdu la guerre en mer des 1805, sa stratégie maritime contre l'Angleterre est restée efficace...en maintenant des escadres prêtes à prendre

Officier de marine 1793
la mer (ou capables de le faire rapidement) à Brest, Rochefort ou Toulon...il a poussé la royal navy à utiliser tous ses bâtiments pour maintenir le blocus et chasser les quelques navires français...ce qui fut immensément couteux en vaisseaux et effort de guerre"

Ainsi les anglais reconnaissent que même si la guerre sur mer a été perdue par Napoléon, la marine française, challengeant en permanence le blocus maritime anglais, a coûté très cher économiquement à l'Angleterre.

Obligeant cette dernière à déployer et maintenir sa Navy en alerte continuelle sur plusieurs mers et fronts.

Les historiens anglais sont beaucoup moins critiques que les français quant à la politique navale de l'Empereur, ils se sont sentis menacés et à tout moment, on craint une invasion de la France, jusqu'à la chute de l'aigle.


Chez nous, on garde en mémoire l'échec cuisant de Trafalgar et le blâme porté sur les amiraux, pourtant de nombreux officiers supérieurs seront remarquables de bravoure et efficacité ainsi rendons hommage à quelques-uns:



 Julien Marie Cosmao-Kerjulien que les matelots appelaient "Va de bon cœur"



Portrait de Cosmao-Kerjulien par Auguste Mayer.
© Mairie de Châteaulin.

Né le 27 novembre 1761 à Châteaulin et mort le 17 février 1825 à Brest, est un contre-amiral français. 

Surnommé « Va de bon cœur » par ses marins, Napoléon Ier dit de lui : " Il est le meilleur marin de l'époque et personne n'a été plus brave et plus généreux." 

Il s'illustrera pendant la guerre d'Amérique, la prise du rocher du Diamant en Martinique mais aussi à Trafalgar et surtout avec la manœuvre du Wagram (5 novembre 1813) au large de Toulon sauvant de nombreux vaisseaux français grâce à ses qualités de marin, tacticien et meneur d'hommes face à l'escadre anglaise du vice-amiral Edward Pellew (celui que l'on retrouve dans la série TV et romans Hornblower de C.S Forester).





Combat du trois-ponts français le Wagram (à droite), bâtiment de 118 canons type "Sané-Borda", le 5 novembre 1813, au large de Toulon contre l'escadre anglaise.



Le baron Guy-Victor Duperré



Guy-Victor Duperré
un des
héros de la bataille de Grand Port

Né à La Rochelle le 20 février 1775 et mort à Paris le 2 novembre 1846, amiral de France en 1830, pair de France et ministre de la Marine.

Nommé capitaine de vaisseau par Napoléon et chevalier de la Légion d'honneur, avant de le promouvoir directement au grade de commandant du même ordre. 

Chargé d'une mission à l'Île de France (Ile Maurice), sur La Bellone, il dispute longtemps cette île aux anglais, il remportera en août 1810, la bataille de Grand Port, seule victoire maritime de l'Empire figurant sur l'arc de triomphe. Cette victoire lui vaudra d'être promu contre-amiral à son retour en France.

Cette victoire qui s'étale du 20 au 27 Aout 1810 a lieu durant les rivalités franco-britaniques pour les îles  de l’océan indien.

Le Général Decaen débarque à Port-Louis le 15 août 1803 comme gouverneur des îles et doit faire face à un blocus anglais.

Une flottille britannique de quatre frégates chercha à bloquer l’entrée de la baie en capturant le fort de l’île de la Passe défendant son entrée.

Après de nombreuses péripéties, échouages, embossages, incendies, les deux escadres se pilonnent pendant de nombreuses heures, donnant la victoire aux français. Malgré cette victoire, trois mois plus tard le pavillon français sera remplacé par l'Union Jack sur l'île de France devenue Mauritius, île britannique de 1810 à 1968.

Bataille de Grand Port avec les trois navires français échoués volontairement et embossés


Les rares victoires navales françaises de prestige Algeciras en 1801 ou Grand Port sont acquises avec des vaisseaux à l'ancre ou embossés en ligne de bataille permettant de se soustraire à la navigation et de mobiliser l'ensemble de l'équipage pour le combat, mais beaucoup de capitaine français iront se battre et couler des navires anglais ne permettant jamais à l'Angleterre de baisser la garde, notamment sur l'océan Indien.


Détail de la lame bleuie à fond doré côté ancre


L'abordage de la corvette la Chevrette rade de Camaret en  juillet 1801
par Philippe J de Loutherbourg © Bristol muséum
Les anglais arrogants ramenant la Chevrette dirent
 "After all, how could a French fleet unable to guard its own ships in its own harbor mount a successful invasion?"
Comment une marine française pourrait nous envahir avec succès alors qu'elle n'est même pas capable de garder ses bateaux dans ses propres ports



L'amiral Nelson touché mortellement sur le pont du HMS Victory
pendant la bataille de Trafalgar par J.M.W Turner  



Détail de la lame bleuie à fond doré côté écailles


Affaire du Lieutenant Charles Moreau

Charles Moreau 1776-1808
Voici une histoire bizarre...

Moreau,  créole né a Saint Domingue, excellent en mathématiques, admis à la première promotion de l'école Polytechnique le 11 nivôse an III (31 décembre 1794).
Polytechnique n'étant pas alors une école militaire ( elle recevra un statut militaire  par l'empereur en 1804).

Version anglaise , la Piémontaise arbore encore un Union Jack alors que les couleurs sont déployées



Il choisit à sa sortie de l'École d'enseigner les mathématiques à Paris, ayant une réputation d'habile mathématicien, il est connu de Laplace et Lagrange.
Il se marie jeune mais est amer de connaitre les troubles de Saint Domingue aussi lorgne -t-il vers la marine.

Il s'engage fin 1798 comme simple matelot à 22 ans, lui le grand mathématicien, bien évidemment, très vite, ses officiers lui propose de passer l'examination d'aspirant, qu'il passe haut la main et le voilà  nouvel aspirant de première classe en 1800.

Il fait partie de l'expédition scientifique australe de Baudin, conduite par le Capitaine de Vaisseau Nicolas Baudin qui a lieu de du 19 Octobre 1800 au18 prairial an XI (7 juin 1803). 


Moreau est choisi pour cette expédition vers les terres australes par le premier consul en personne, car les places, dans cette expédition, étaient extrêmement recherchées.
Napoléon choisira six jeunes officiers, issus des toutes premières promotions de l'École polytechnique; c'est dire le prestige de l'expédition.


L'objectif officiel est de cartographier ces terres et d'en étudier la population, la flore et la faune. Mais la mission s'intéresse autant aux installations militaires des Anglais, qui y ont établi en 1788 leur première colonie pénitentiaire sur la Nouvelle-Hollande (Australie).

Deux corvettes sont prévues pour l'expédition, le "Naturaliste" et le "Géographe",  Moreau embarque sur le premier que commande le capitaine de frégate Hamelin.

A son retour, en 1803 au camp de Boulogne, les anciens et élèves de Polytechnique font construire et armer à leurs frais une chaloupe pour se joindre à la flottille, placée sous le commandement de leur ancien, l'enseigne de vaisseau Charles Moreau.

Après de nombreux déboires de santé jusqu'en 1806, il embarque en qualité de premier lieutenant (second du navire) sur la frégate la Piémontaise.

Le 21 juin 1806, le bâtiment la Piémontaise engage le trois-mâts Warren-Hastings, vaisseau anglais de la compagnie des Indes, armé de quarante-huit canons de dix-huit, qui revient de la Chine, commandé par le capitaine Larkins.

Après un combat acharné de plus de 4 heures 30 (selon les sources anglaise), le Warren Hastings abaisse son pavillon.

Ce qui se passe à ce moment là n'est pas très clair,  les versions françaises et anglaises sont fort différentes!

Il semblerait que lors de l'abordage le Lieutenant Moreau est agressé et blessé de son poignard Larkins alors que celui s'était déjà rendu.


Version française : l'Union Jack n'est plus et une chaloupe française est mise à la mer après reddition du Warren Hastings


Les anglais présentent une description très accablante de l'affaire, selon les termes du Captain Larkins ( source "Some Chronicles of the Larkins Family" ), il est dit que Moreau, alors que le pavillon anglais était descendu, est monté sur le pont du Warren Hastings avec plusieurs hommes "sur-armés" comme des "assassins"(dixit Larkins) pour se livrer au pillage, dans un état d'ébriété avancé et que le Lieutenant Moreau a poignardé au foie le capitaine Larkins ainsi que plusieurs de ses officiers. Larkins perdant son sang s'est évanoui.

L'ordre serait revenu à bord grâce à l'intervention du Capitaine de vaisseau de la Piemontaise.

Aussi les anglais demande à tout les navires l’ordre de pendre à la grand’vergue le lieutenant Moreau, si la Piémontaise est capturée!

Les anglais disent aussi que la Piémontaise les avait trompés en se rapprochant d'eux avec un drapeau de l'union Jack flottant avant de faire monter les couleurs de la France.

Larkins a-t-il voulu jeter le discrédit sur les français plutôt que paraitre à son désavantage devant l'amirauté anglaise, le lieutenant l'a-t-il à se point humilié pour réclamer sa peau?

Le Warren Hastings, démâté, fut conduit, à la remorque de la Piémontaise en rade du Grand-Port, ce mouillage de l’Ile-de-France que devaient bientôt illustrer les combats des Duperré, des Bouvet et des Hamelin. 

Quoi qu'il en soit, en mars 1808, La Piémontaise est rattrapée dans le golfe de Mannar ( entre l'Inde et le Sri Lanka) par la frégate anglaise San Fiorenzo.

Après un combat soutenu, elle sera battue , le lieutenant de vaisseau Moreau gravement blessé par un éclat de bois à la cuisse préfère alors, plutôt que d'être pris et pendu par les anglais, se suicider en se jetant dans les flots!

Ainsi périt Charles Moreau, entré dans la marine à vingt et un ans et mort à trente.



Fiche d'inscription à Polytechnique il est orthographié Moron,  sera rectifié Moreau ensuite, sur certaines sources ont décrit un homme grand, ici on mentionne 1m 56 à 19 ans!



Un décret en date du 28 mai 1809 accorde à sa veuve une pension annuelle de 800 francs. 

Decrès, ministre de la marine écrit à Napoléon :

« Sire, le lieutenant de vaisseau Charles Moreau a été tué, le 8 mars 1808 dans un combat soutenu par la frégate de votre majesté la Piémontaise contre le San-Fiorenzo. Au moment de sa mort cet officier comptait dix ans environ de services… Ses talents, son courage, sa noble ambition, donnaient les plus grandes1 espérances. Le sieur Moreau laisse une veuve et un enfant en bas âge ».

L'amiral Charles Baudin, qui était alors jeune officier avec le lieutenant Moreau sur la Piemontaise, écriera dans ses mémoires une version fort différente de l'incident:

"« Dès qu’il eut amené son pavillon, nous mîmes en panne pour l’envoyer amariner. Nous en étions alors à une encablure ou deux par sa joue de sous le vent. Pendant que nous mettions une embarcation à la mer, le Warren Hastings laissa brusquement arriver sur nous, dans l’espoir de nous démâter, peut-être même de nous couler bas par la supériorité de sa masse. Nous manœuvrâmes aussitôt de façon à prévenir un choc qui devait nous être fatal ; nous ne pûmes cependant empêcher que le vaisseau anglais ne nous abordât, nous enlevant ainsi notre grand mât île hune avec la grand’vergue et brisant ensuite notre beaupré.

Dès que les deux navires commencèrent à se heurter, Moreau, qui, en sa qualité de premier lieutenant, était posté sur le gaillard d’avant, avait sauté à bord de l’Anglais, entraînant à sa suite le premier peloton d’abordage. Il ne rencontre qu’une faible résistance et court, sans s’arrêter, vers le gaillard d’arrière. 


Ile de France fin XVIIIe siècle



Le capitaine Larkins, — ainsi se nommait le commandant du Warren Hastings, — se tenait encore auprès du gouvernail, et la barre, qu’on n’avait pas eu le temps de redresser, se trouvait toute au vent. La manœuvre déloyale était prise sur le fait. Moreau ne put contenir son indignation. Pendant qu’il reprochait au capitaine Larkins d’avoir voulu éviter la capture par un acte de félonie, il gesticulait avec véhémence. Le poignard, — ou plutôt la dague, — qu’il portait à la main, atteignit légèrement la capitaine anglais entre deux côtes. « Emmenez-le à bord de la frégate ! » dit Moreau à deux de ses hommes.

 L’ordre fut exécuté sur-le-champ ; il le fut même avec une brutalité que l’animation du combat ne saurait suffire à excuser. J’avais, pendant ce temps, demandé au capitaine Épron la permission de remettre à un autre officier le commandement de la manœuvre pour sauter moi-même à l’abordage. Au moment où je me disposais à franchir l’intervalle qui séparait les deux navires, j’aperçus le capitaine anglais, tombé, je ne sais trop comment, entre le Warren Hastings et la Piémontaise.

 Il s’était accroché à une manœuvre ; le moindre mouvement de l’une ou de l’autre masse pouvait l’écraser. Me laisser glisser jusqu’à la préceinte, saisir le capitaine anglais et l’aider à gravir le bord fut l’affaire d’un instant. Le malheureux, arraché à une mort certaine, m’adressait les plus vifs remercîmens. Je me hâtai de me soustraire à l’expression de sa reconnaissance et je le fis conduire au poste des blessés. 

L’aventure, défigurée par d’odieux récits, occupa beaucoup toute la presse de l’Inde et même celle de l’Europe. Elle valut à mon pauvre ami beaucoup d’injures vraiment imméritées et à moi des éloges bien supérieurs au mérite de mon action . »

Cette affaire est-elle la raison finale..."les circonstances graves" dont parle l'Empereur, qui le poussa à proscrire le poignard de l'armement des officiers?



Pour en savoir plus: 

La Marine sous le premier et second empire par Jacques-Olivier Boudon
Guerres et Histoires Octobre 2019
Planches Aries IX
Nelson's Navy Osprey Military Publishing
Napoleon’ sea soldiers Men-ar-Arms Osprey Publishing


A lire ou voir:

Les livres de Patrick O'Brian qui commence par Master and Commander

Remerciements:

Merci à tous les dessinateurs et peintres, notamment à P Courcelle, Rousselot, Benigni, sans qui ces posts seraient plus fades.




A Adrien...the deck is yours







Ce site est dédié aux soldats, officiers, généraux et maréchaux de 
l' Epopée Napoléonienne, tombés au champ d'honneur